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Titel
Da Feudo a Baliaggio. La comunità delle Pievi della Val Lugano nel XV e XVI secolo


Autor(en)
Moretti, Antonietta
Reihe
Quaderni di Cheiron 16
Erschienen
Rome 2006: Bulzoni Editore
Anzahl Seiten
476 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Mathieu Caesar

Da Feudo a Baliaggio est le fruit d’une thèse de doctorat présentée en 2004 à l’Université de Fribourg. Cette étude est consacrée à la communauté du Val Lugano, qui englobe grosso modo le territoire de l’actuel Canton du Tessin, entre le Monte Ceneri et Mendrisio. L’auteure suit les vicissitudes de cette communauté depuis sa formation, au début du XVe siècle, jusqu’à la deuxième moitié du XVIe siècle.

L’ouvrage se divise en deux grandes parties qui coïncident avec les différentes dominations auxquelles ce territoire a été sujet. Ainsi, la première s’attaque à un long XVe siècle, se terminant vers 1511–1513, et caractérisé par la soumission aux ducs de Milan. La seconde analyse, en revanche, un court XVIe siècle, qui voit la mise en place de la domination des Confédérés et la transformation de la Val Lugano en bailliage des XII Cantons. A leur tour, chacune de ces deux parties s’articule en deux grandes sections où l’auteure examine de manière parallèle les dynamiques politiques (qu’elle appelle le «front civil») et les problématiques d’histoire des institutions ecclésiastiques (le «front ecclésiastique»).

Dans ces choix, sans aucun doute non conformistes par rapport à la production historiographique actuelle, réside une grande partie de l’intérêt de cette étude qui essaie de dépasser les cadres chronologiques et thématiques traditionnels. La tâche n’était pas simple, surtout qu’il fallait surmonter les difficultés liées à la maîtrise de sources de nature très hétérogène. Antonietta Moretti se montre cependant à l’aise et son récit s’appuie sur un vaste éventail de documents: procèsverbaux des communautés, visites pastorales, chroniques ainsi que les actes officiels des ducs de Milan ou les recès des Cantons confédérés.

Par ce biais, l’historienne parvient à nous plonger dans la société de cette communauté préalpine pendant près de deux siècles. Le récit est très vivant et captivant, sauf pour la dernière partie, consacrée au front ecclésiastique au XVIe siècle et qui se réduit trop souvent à un catalogue de la situation matérielle des différentes paroisses. A vrai dire, la sécheresse des actes des visites pastorales ne permettait probablement pas d’aller au-delà du tableau proposé et Moretti, consciente des limites de cette dernière partie, ajoute au terme de son analyse une tentative de bilan réussie. Il aurait été souhaitable de faire de même pour les autres chapitres de l’ouvrage qui souffrent parfois d’un manque de synthèse finale. Il est aussi dommage que le livre ne soit pas accompagné de supports cartographiques adéquats, permettant au lecteur de se repérer dans la complexité géographique de ces régions. Malgré ces limites, la lecture de l’ouvrage d’Antonietta
Moretti mérite d’être entreprise.

Le passage à la domination suisse marque une coupure qu’il ne serait pas légitime de négliger. Mais si, d’un point de vue institutionnel, les Bailliages italiens et la Lombardie, à court terme espagnole, se retrouvent au début du XVIe siècle séparés, l’économie des deux régions continue de constituer un tout. Sur cette base, l’auteure entreprend l’analyse de ce qu’on peut qualifier de société politique. Bien que l’ouvrage soit en large partie une reconstruction des événements, Antonietta Moretti arrive à dégager les principaux traits des modalités de fonctionnement des pouvoirs en place et des dynamiques à l’oeuvre au sein de cette société. Il faut aussi souligner comment le manque d’études de synthèse, ainsi qu’une bibliographie relativement datée, ont obligé l’a. à reconstruire un cadre événementiel qui faisait en bonne partie défaut.

L’étude s’insère ainsi dans la lignée des travaux menés par les historiens du duché de Milan, et plus généralement par l’historiographie italienne (aussi bien par les médiévistes que par les modernistes) attentive aux rapports entre principauté et entités locales, soient-elles des villes ou des communautés régionales plus vastes. La recherche de ces dernières décennies, dont Giorgio Chittolini est l’un des principaux animateurs, a largement contribué à réviser l’image d’un Etat centralisateur s’imposant de haut face aux entités territoriales considérées tout au plus comme un élément de résistance et donc peu dignes d’intérêt. L’analyse de la société des pievi de la Val Lugano et, en particulier, celle des élites locales permet à Antonietta Moretti de montrer un visage différent. Il en résulte une domination vue «d’en bas», qui se caractérise par des rapports entre souverains et sujets de nature bilatérale et contractuelle.

Au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture, les éléments de continuité se dégagent et prévalent sur les ruptures. Ainsi, malgré les changements de maîtres, les aspirations de la communauté de la Val Lugano restent aux fonds identiques tout au long de la période examinée. Un rapport direct et immédiat avec le souverain, l’aspiration de ne pas comparaître devant des tribunaux étrangers, la volonté de jouir d’une fiscalité indirecte moins lourde et de gérer directement les ressources financières, les préoccupations commerciales liées à l’approvisionnement en sel et en blé, ainsi que le souci de se maintenir le plus possible à l’écart des conflits continuent d’imprégner les élites locales. Et c’est bien sur la base de telles aspirations que se nouent les rapports entre le(s) souverain(s) et ces élites.

En effet, une continuité analogue à celle qui a été décrite plus haut peut être observée aussi du côté du souverain: les modalités de gouvernement, la manière dont le pouvoir s’impose, ne sont guère diverses au fil des siècles. Il apparaît ainsi de manière évidente comment, par exemple, le contrôle de l’assignation des bénéfices ecclésiastiques continue d’être un instrument de pouvoir important pour les Cantons, tout comme il l’était pour le duc de Milan. Antonietta Moretti montre de façon convaincante comment les notables locaux continuent de constituer le pivot essentiel d’un pouvoir éloigné et qui n’aurait pas la force ni les moyens de se maintenir autrement que par l’intermédiaire du gouvernement de cette élite dirigeante locale. Une élite qui, à son tour, fait de son rapport avec ses souverains un des atouts de sa condition privilégiée.

Il en ressort, en définitive, une société beaucoup moins passive que celle que l’on avait tendance à dépeindre – surtout pour la période de domination suisse – il y a quelque temps. L’ouvrage d’Antonietta Moretti contribue, de manière efficace, à nous en fournir les preuves. Son étude nous paraît donc dépasser les intérêts de la simple histoire régionale, pour s’adresser à un plus vaste public de médiévistes et de modernistes, en leur fournissant non seulement une étude de cas détaillée et probante, mais aussi de nombreuses pistes de réflexion qui restent à explorer.

Citation:
Mathieu Caesar: compte rendu de: Antonietta Moretti: Da Feudo a Baliaggio. La comunità delle Pievi della Val Lugano nel XV e XVI secolo. Rome, Bulzoni, 2006 (Quaderni di Cheiron 16). Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 59 Nr. 2, 2009, p. 235-236.

Redaktion
Veröffentlicht am
20.01.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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